Kowloon Walled City, une ville sans loi

Découvrez l'enclave intrigante de Kowloon Walled City à Hong Kong, une cité sans loi devenue un repaire pour les Triades et un centre névralgique du crime. Explorez son passé tumultueux, de sa construction à sa destruction en 1993, et son héritage qui continue de fasciner.

Kowloon Walled City, une ville sans loi

Hong Kong est une région administrative spéciale de la Chine, couvrant une superficie d'environ 2 700 km², à peu près la superficie du département du Rhône. Située au sud de la Chine, elle fut un avant-poste pour l'Empire britannique afin de commercer avec la Chine. Suite à une guerre contre cette dernière, Hong Kong a connu une expansion territoriale sur le continent asiatique, la Chine cédant une part de son territoire pour un bail de 99 ans.

Composée d'une grande île appelée Hong Kong Island, de nombreuses petites îles et d'un territoire continental montagneux, Hong Kong offre un mélange harmonieux de modernité, de traditions et de paysages idylliques.

Après la Seconde Guerre mondiale, Hong Kong a connu une expansion économique sans précédent. De l'un des pays les plus pauvres au monde, il devint l'un des plus riches. Bien qu'étant une colonie anglaise, ses habitants étaient bien plus riches que ceux de nombreuses autres colonies. Région fortement libérale, à l'origine de sa puissance économique, Hong Kong est devenue la ville des possibles. Entre mélange culturel occidental et oriental, banquiers et traders sans scrupules, blanchiment d'argent de la triade chinoise et cinéma de Kung-Fu avec des stars comme Bruce Lee ou encore Jackie Chan, Hong Kong était, durant la deuxième moitié du XXe siècle, une terre d'opportunités.

Souvenez-vous de ce bail de 99 ans. En 1997, le Royaume-Uni céda ce territoire à la Chine. Ce territoire, appelé les Nouveaux Territoires, est situé à la frontière chinoise. Au commencement, les Anglais ne possédaient que l'île de Hong Kong. Le bail stipulait que les Nouveaux Territoires reviendraient à la Chine, mais que l'île de Hong Kong resterait britannique. Cependant, comme ces deux territoires étaient interconnectés par des trains et des métros, que l'aéroport était situé dans les Nouveaux Territoires mais que le cœur économique se trouvait sur l'île de Hong Kong, il fut décidé que le Royaume-Uni céderait tous ces territoires à la Chine à la condition que, pendant 50 ans, Hong Kong soit une région administrative spéciale, possédant son propre gouvernement. L'idée était d'intégrer progressivement Hong Kong à la Chine.

Pour différentes raisons diplomatiques, ce site devint un territoire sans loi, paradis du crime et refuge pour les Triades. Ce territoire est connu sous le nom de Kowloon Walled City.

Dans tout ce micmac diplomatique et administratif, un site de seulement 0,026 km² (environ 150x150 m) connut une situation particulière. Initialement construite comme une forteresse militaire chinoise, la citadelle de Kowloon était censée protéger la région contre les envahisseurs. Mais, au fil du temps, les tensions entre la Chine et le Royaume-Uni sur la gestion de ce territoire firent de la forteresse un point de discorde. Ni l'un ni l'autre ne souhaitait réellement assumer la responsabilité de cette enclave, ce qui aboutit à un vide juridique.

Pendant que les diplomates débattaient et tergiversaient, la population locale grandissait de façon spectaculaire. Après la Seconde Guerre mondiale, un afflux de réfugiés chinois transforma la citadelle en un véritable havre pour ceux cherchant à échapper aux lois strictes des deux gouvernements. Ce qui n'était au départ qu'un regroupement de constructions en bois se transforma rapidement en une cité densément peuplée. Plus de 17 000 personnes vivaient sur cette petite surface en 1950. Après un incendie dévastateur, la communauté rebâtit la ville, cette fois-ci avec des bâtiments en béton, créant un labyrinthe vertical de logements et de commerces.

Le flou juridique et l'absence de contrôle officiel firent de Kowloon Walled City un territoire sans loi, un paradis du crime et un refuge pour les Triades. Malgré les tentatives sporadiques de régulation, la citadelle prospérait dans l'anarchie, devenant l'une des zones urbaines les plus uniques et notoires au monde.

Territoire sans loi

Ni la Chine ni le Royaume-Uni ne souhaitaient s'occuper de ce territoire, il n'y avait donc aucune réglementation ni loi officielle. C'était une enclave sans loi, sans taxe, sans réglementation pour les entreprises, sans système de santé ni présence policière. Quiconque entrait dans la ville disparaissait aux yeux de la société. La seule réglementation appliquée concernait la hauteur des bâtiments, qui ne pouvaient excéder 13 étages car l'aéroport international Kai Tak était situé à 800 m.

Plus de 90 dentistes et 30 médecins, souvent formés en Chine mais non certifiés pour exercer ailleurs, travaillaient dans cette enclave. Ces professionnels trouvaient dans la ville un lieu idéal pour pratiquer sans être soumis à la surveillance des autorités locales. Il a été rapporté que même des policiers y allaient pour se faire soigner.

De nombreux entrepreneurs venaient s'installer dans la ville. Le rez-de-chaussée était composé d'usines et d'ateliers où l'on produisait de tout : balles de golf, nouilles, fishballs... Ces produits étaient ensuite vendus à Hong Kong ou en Chine. Une grande part des "fishballs" (des boules faites à base de poisson) était consommée dans les différents restaurants hongkongais, souvent sans que les consommateurs le sachent.

Un homme preparant des "fishballs".

La drogue était facile à obtenir. Des étals en bois, disposés dans les couloirs obscurs de la Ville, proposaient héroïne et opium. Les corps des toxicomanes gisaient sur le sol. Les rats, eux aussi accros, erraient à la dérive, probablement à la recherche d'une dose.

De même, la prostitution était monnaie courante. Dans l'obscurité des allées, on trouvait des strip clubs et des cinémas pornographiques. Les prostituées accostaient leurs potentiels clients et les emmenaient plus loin dans l'un des bordels de la Ville.

On peut observer la densite de la Ville constrastant avec les alentours

La fin d'un territoire sans loi

Le 23 mars 1993, un boulet de démolition détruit le premier bâtiment de la micro-ville. Acclamé d'un côté par les dignitaires et des gens venus assister à cet événement, dénoncé de l'autre par les habitants eux-mêmes de la ville. Pour ces derniers, la vie dans cette forteresse de béton leur était agréable. Ils racontèrent, après la destruction de la ville, que même s'ils vivaient dans la précarité, ils se sentaient heureux et avaient des liens forts avec les autres habitants.

Il fallut un an pour raser complètement Kowloon Walled City. Un parc occupe aujourd'hui l'espace où résidait, quelques années auparavant, le lieu le plus unique au monde.
Il est difficile de donner un nombre d'habitants précis car aucun recensement n'était effectué. Il est estimé que 33 000 personnes vivaient dans cette ville. Cela représente une densité de 1 255 000 habitants par kilomètre carré.

Kowloon Walled City est restée dans les souvenirs comme une sorte de dystopie. De nombreux livres, films et jeux vidéo s'inspirent de la Ville pour créer leur univers. Certains Hongkongais en gardent une certaine fierté, occultant la corruption et les crimes qui y avaient lieu.

Kownloon Walled City de nos jours

Sources

Kowloon Walled City: Surreal photographs of day-to-day life inside the City of Darkness - Architectural Review
Photographers Ian Lambot and Greg Girard’s unique exploration of the Chinese walled city, once the densest urban environment on the planet and now demolished
The Strange Saga of Kowloon Walled City
Anarchic, organic, surreal, this enclave was once among the most densely populated places on Earth.
Inside Hong Kong’s lawless ‘walled city’ — the most crowded place on Earth for 40 years
33,000 people lived and worked in Kowloon Walled City in Hong Kong. It was the area of an average city block, making it 119 times as dense as New York.